Duel Amicale XJ40 : c’est dans la boîte !

Si vous êtes fidèle Amicaliste, il est inutile de vous présenter la XJ40, sa longue genèse, sa gamme, ses moteurs, ses qualités, ses défauts et tout et tout.
Rappelons juste que cette XJ, quatrième du nom, née en 1986, représenta un enjeu majeur pour son constructeur qui y plaça toutes ses maigres économies. Ça passait ou ça cassait. Heureusement, après presque 209.000 voitures produites jusque 1994 et la confiance revenue, on peut affirmer que c’est passé et mission accomplie !

Si ce n’est le prestige, cette nouvelle XJ ne conservait rien de ses illustres aînées. Châssis, moteurs, transmissions, électronique, tout était nouveau, ce qui ne sera pas sans créer quelques soucis au lancement, surtout du côté électricité –on a une réputation à défendre !– , mais l’essentiel était bien là : que ce soit confort, tenue de route ou agrément de conduite, la nouvelle venue était bien une XJ et la fiabilité vite retrouvée ramènera durablement une clientèle que l’on n’espérait plus.

On distingue trois époques dans l’histoire de de la XJ de la fin des 80.

  • 1986-1989, la toute première génération motorisée par les blocs 2,9l –dont la courte carrière laissa peu de regrets– et le 3,6l AJ6, né quelques années auparavant sous le capot de la XJ-S, aisément reconnaissable à sa planche de bord totalement numérique bien dans son époque et source de nombreux tracas.
  • 1990-1992, le moteur 3,6l remplacé par son évolution 4,0l catalysée, à peine plus puissant, mais plus coupleux et un peu plus tard le 2,9l avantageusement poussé vers la sortie par un attendu AJ6 3,2l, ces évolutions mécaniques étant principalement accompagnées d’une remise à niveau du circuit électrique et d’une nouvelle planche de bord « classique » pour le plus grand plaisir et la tranquillité des puristes –statut revendiqué par votre serviteur–.
  • Enfin 1993-1994, ultimes évolutions –connue par vous tous sous le code XJ81– surtout techniques, touchant essentiellement le faisceau électrique encore fiabilisé, la finition intérieure et le châssis annonçant doucement la remplaçante X300, sans oublier le retour du V12 dans son ultime cylindrée 6,0l et BVA4.

Il n’y a rien qui ressemble plus à une XJ6 de 1986 que sa petite sœur de 1994, et pourtant, contrairement à aujourd’hui où tout constructeur hurle à la nouveauté à chaque modification de dessin d’une jante, l’épave de l’une aurait très peu de choses à offrir à l’autre, tant les modifications « invisibles » destinées à l’améliorer furent constantes durant ses huit années de production.

Nos compétitrices du jour sont donc une Daimler 4.0l de 1989 –millésime 1990–, donc l’une des toutes premières de la seconde génération et une XJ6 3,2 Sport de 1994, soit l’une des dernières de la troisième génération… Vous suivez bien, hein ?!

Je vous entends d’ici penser que comparer deux XJ40 doit être aussi captivant que de choisir encore Dupont et Dupond pour élire le plus sympathique et qu’on va arrêter là cette passionnante lecture… Attendez, ne partez pas tout de suite ! Les différences sont bien là et si vous m’accordez encore un peu de temps, nous allons les découvrir ensemble dans cette Amicale confrontation dans laquelle il n’y aura rien d’autre à gagner que de prendre du plaisir à leur volant.


A l’extérieur

Il suffit de faire le tour de nos protagonistes pour comprendre qu’elles ont des personnalités bien affirmées.

Notre 3,2l Sport du jour, bien campée sur ses superbes jantes « 5 Spoke » en 16 » a vraiment de l’allure ! Les chromes sont réduits au minimum –pare-chocs, poignées de porte, entourage de calandre et lèche-vitres–, mais ils ne manquent pas. Moi qui n’en suis pas un inconditionnel sur la 40, je trouve les 4 phares ronds ici d’origine parfaitement à leur place. L’ensemble et sans fioriture, dynamique… Sport quoi !

La Daimler montre tout de suite la différence. Vous voulez du chrome ? Il y en a partout ! Baguettes, entourages des feux et vitrages, calandre… Elle en donne pour son prestige. Les jantes « Teardrop » en 15 » posent moins le félin que celles de la Sport, mais le profil en est du coup plus léger. Les phares typiques de la 40 sont bien là, et s’ils continuent à faire débat, la Daimler ne peut qu’envier les antibrouillards élégamment intégrés de sa sœur alors que les siens –optionnels– sont installés à la vas-y-comme-je-te-pousse sous le pare-chocs.

Alors, laquelle choisir ?

Chacune a une identité bien propre ai-je écrit plus haut et c’est tant mieux. Elles dégagent un charme incontestable et il serait impossible d’en distinguer une plus que l’autre.

Match nul donc !

A l’intérieur

Lorsque mon entourage découvre l’habitacle de la XJ Sport, l’effet Jaguar fonctionne à tous les coups ! Cette ambiance que vous connaissez, à base de cuir odorant de le boiseries généreusement appliquées, est unique et provoque systématiquement un « waouh » envieux. Même si la Sport est une finition de base améliorée, l’essentiel y est : climatisation auto, ordinateur de bord, toutes vitres et rétros électriques, alarme, etc., agrémenté ici de l’heureuse option régulateur de vitesse. Je regrette juste un peu la trop grande sagesse de cet intérieur au classique cuir beige à la moquette coordonnée, alors que le nuancier de l’époque permettait quelques sympathiques fantaisies. Doit-on aussi regretter ou applaudir le progrès sécuritaire symbolisé par la présence du double airbag ? Toujours est-il que le volant perd de sa finesse et que la passagère se voit purement et simplement privée de boite à gants –et donc du charmant miroir de courtoisie– ! Malgré tout, je le redis, on se sent et on est fort bien dans cette Jaguar.

Oui, mais voilà, la Daimler tient à son rang et elle le fait savoir ! « Ah oui, c’est encore un cran au dessus » est souvent entendu lorsque les visiteurs passent de l’une à l’autre. Là, le cuir est étendu presque partout où la main se pose, les boiseries sont de qualité supérieure, l’équipement pléthorique –sièges électriques et chauffants, toit ouvrant, liseuses individuelles, lave-phares, etc.– et les inénarrables tablettes pique-nique ainsi que les tapis en pure laine font toujours leur effet.

La finition ? Elle est globalement sensiblement la même pour les deux voitures et si on peut trouver touchant le côté artisanal des quelques maladresses d’assemblage de la Daimler, la rigueur est dans le camp de la cadette. Les motifs d’agacement restent les mêmes lorsqu’on touche quelques plastiques à l’indigence soviétique, mais la qualité du reste rattrape heureusement. La Daimler, avec son morceau de carton bouilli en guise de garniture de porte du coffre -il fallait oser quand on se souvient du tarif catalogue de l’époque-, chiperait bien celle en moquette moulée de la Jaguar, mais c’est bien l’ainée qui en donne le plus à tous les niveaux, et ceci sans discussion.

La Daimler l’emporte !

A propos, malgré leur âge, il est à signaler l’excellente tenue des selleries de nos deux félins, qualité qui sera hélas perdue sur les générations suivantes. On ne le répètera donc jamais assez, si vous convoitez une XJ40 présentée avec moins de 200000km à l’habitacle défraichi, c’est qu’il y a très certainement tromperie sur la marchandise ou une telle absence d’entretien que dans tous les cas, il faut fuir.

A la conduite

Disons le tout net, pour avoir suffisamment roulé au volant de la Daimler, je peux affirmer que si le 3,2l remplace sans le moindre regret le poussif 2,9l, il n’en a pas moins le souffle un peu court comparé au 4,0l. Si la différence de puissance est assez faible (même pas 30CV d’écart), c’est bien le couple plus important (392Nm vs 298Nm) et disponible à un régime moins élevé qui rend la forte cylindrée plus recommandable.

Victoire logique Daimler donc et on passe à autre chose ? C’était bien la peine de nous tenir en haleine pour un si évident résultat êtes-vous certainement en train de grommeler.

Attendez, ne partez pas tout de suite, ce n’est heureusement pas si simple car la Sport a une botte secrète ! Le moteur, c’est une chose, la boite en est une autre et notre 3,2l du jour propose une rare transmission manuelle Getrag face à la classique ZF automatique de la Daimler. Oui et alors ? Bah alors, ça change pas mal de paramètres comme nous allons vite le voir…

BVM5 Getrag ou… BVA4 ZF, on a le droit d’hésiter.

Bien que je sois un inconditionnel de la boite automatique sur nos félins, j’étais vraiment curieux de prendre en main une transmission mécanique. J’avais certes brièvement essayé il y a quelques années une –rarissime– XJR BVM célèbre à l’Amicale XJ, mais son embrayage trop ferme, et certainement fatigué, ne me laissa pas un bon souvenir. Rien de tout cela ici, l’embrayage est récent et la douceur de sa commande le confirme. Le levier de commande est certes un peu rétif, mais les verrouillages sont francs et précis. En face, la ZF BVA est une ZF, c’est à dire sans histoire, faisant le job sans grand panache, mais aussi avec peu de reproches…

Démarrage, en route et première surprise, la plus silencieuse des deux n’est pas celle que l’on croit. Tant au niveau bruit mécanique qu’aérodynamique, la 3,2l Sport se veut plus discrète. Peut-être une isolation phonique mieux travaillée, mais qui s’explique plus assurément pour la partie mécanique par le remplacement du suggestif mais bruyant torquatrol par un ventilateur électrique. Entendons-nous bien, c’est le cas de le dire, nous avons affaire dans les deux cas à des limousines au silence de fonctionnement encore remarquable aujourd’hui.

Commençons pour une fois par la Daimler. Il fonctionne gentiment le 4,0l. Pas vraiment sportif –la XJR fait à peine mieux et il faudra attendre le compresseur pour l’entendre s’exprimer à pleins poumons–, mais toujours disponible et plein à tous les régimes –surtout en bas– pour évoluer tranquillement sur les routes du 21eme siècle et même en remontrer à quelques prétentieuses modernes à l’occasion. Comme je l’écris plus haut, la boite auto ZF sait se faire oublier. Il s’agit là de ZFHP24, c’est à dire gestion électronique et position Sport modifiant à la demande le régime de passage des rapports. ceux-ci passent ici suffisamment à propos pour rendre la conduite apaisée. Les changements sont parfois un peu brusques –je ressens les mêmes réactions sur deux félins équipés de la même boite– mais je le redis, elle va comme un gant à la philosophie de la voiture et de son propriétaire.

La 3,2l Sport à boite mécanique se conduit d’instinct tout à fait différemment. Alors qu’on dépasse très rarement les 3000tr/mn avec la Daimler, on se surprend ici à prendre naturellement du régime entre chaque rapport. Un dépassement délicat à effectuer, on enquille la troisième et on monte facilement à plus de 5000tr/mn sans y penser alors que cette perspective paraît bien incongrue au volant de la Daimler. Ici, plus d’inertie due à la boite auto à l’ancienne, on est en communication directe avec la mécanique et vous savez quoi, on y prend goût ! Le moteur semble plus vivant, libéré. Autant de sensations confirmées dans le trafic où la 3,2l n’est jamais à la peine, même dans les fortes côtes de la Montagne de Reims –qu’en serait-il avec un 3.2l automatique ?–.

Les chiffres de performances donnés à l’époque rejoignent mes impressions : que ce soit tant au niveau accélération que reprise, les différences entre une 4,0l automatique et une 3,2l mécanique sont de l’ordre des dixièmes de secondes, autant dire nulles. Difficile de se prononcer sur la consommation. D’après mon expérience et celle du propriétaire de la Sport, la différence entre les moteurs n’est pas flagrante –entre 10 et 12l aux cents dans les deux cas–, la BVM ne fait ici pas de miracle donc.

Alors, laquelle gagne ? La Daimler a pour elle le couple et la douceur, la XJ joue une partition plus sportive -mais oui- et moteur et boite vont particulièrement bien ensemble.

Match nul alors !

Je conserve sans regret mon 4.0l BVA, mais je l’avoue, la conduite de la Sport BVM m’a vraiment séduit.

3,2l /4,0l, des frères jumeaux, une même fiabilité.

A propos, je n’ai pas parlé de comportement sur la route et pour cause, même si quelques réglages sont supposés les différencier, dans tous les cas on ne doit jamais oublier qu’une XJ40/81 suspendue correctement et bien chaussée tient très bien la route et son châssis particulièrement bien conçu lui offre encore aujourd’hui une conduite tout à fait sure. Là encore, si la promise convoitée se comporte de façon hasardeuse, ne croyez pas le commentaire du vendeur qui parlera de confort à l’anglaise, il y aura des frais à prévoir !

Conclusion

Théoriquement, c’est la Daimler qui devrait l’emporter car elle propose le meilleur moteur et une finition et équipements supérieurs, mais pratiquement il n’en est rien tant la 3,2l Sport mécanique est attachante. Et rare qui plus est, donc à préserver d’urgence !

En résumé, l’amateur de XJ40 ayant de la place dans son garage serait tout à fait avisé de posséder les deux. Il aurait alors l’agréable sentiment de conduire une voiture offrant un plaisir franchement différent au gré des sorties et de ses envies.

Avouez-le, cette conclusion, vous l’attendiez depuis le début, non ?!

A propos de Amicale XJ 1 Article
Amicale XJ, le club des amateurs et passionnés de la plus belle berline du monde et de ses dérivés Jaguar-Daimler, XJ, XJC, XJS.