Essai Daimler Double-Six Vanden Plas

Daimler Double-Six Vanden Plas
Daimler Double-Six Vanden Plas
par Stéphan DUPONT

Ce beau mois de septembre 1982 nous permet de vous présenter enfin un essai de la berline la plus rapide du monde… à savoir la Daimler Double Six Vanden Plas. Cette version équipée du nouveau moteur V12 HE de près de 300 Chevaux est la version la plus luxueuse et la plus puissante de la Jaguar XJ sortie en 1968 mais remise au gout du jour avec la Série 3.

Conception d’ensemble

La Jaguar XJ dans sa dernière version, la Série 3, a déjà fait l’objet d’un reportage l’occasion de sa présentation début 1979. On se contentera donc de rappeler que la Jaguar XJ est la dernière voiture dessinée par Sir William Lyons qui a pris sa retraite après plus de 50 ans à la tête de la firme, il y a 10 ans maintenant. Que pour cette Série 3, c’est à un autre grand nom du design à qui l’on a fait appel, mais celui-ci est italien et c’est Pininfarina. Sa tache était de moderniser la XJ et de corriger certaines de ses faiblesses tout en gardant la ligne originelle. Et l’on peut dire que le challenge est réussi.

Voici les nouveaux pare-chocs des Séries 3 modernes mais toujours avec du chrome
Voici les nouveaux pare-chocs des Séries 3 modernes mais toujours avec du chrome

Le maitre italien a su préserver la silhouette de la Jaguar XJ que l’on identifie au premier coup d’œil alors que tout est nouveau. Ses nouveaux pare-chocs modernes à bourrelet en caoutchouc noir avec ses clignotants intégrés répondent aux nouvelles normes de sécurité américaine tout en gardant une large lame chromée évoquant les pare-chocs précédents. Le pare-brise avant est incliné pour améliorer l’aérodynamisme et garder l’harmonie avec le pavillon rehaussé permettant un meilleur confort des passagers arrières. Les poignées de portes sont encastrées et les déflecteurs des portes avants ont disparu pour coller aux modes actuelles… Mais la nouveauté est le moteur V12 HE…

Moteur

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Le V12 de 5.3 litres, cœur de la double-six

Ce V12 est une base connue puisqu’il est apparu en avril 1971 sur la mythique Type E. Il a rapidement été monté sur la Jaguar XJ puisqu’on le retrouve dès juillet 1972 sur la Série 1. Chose étonnamment rare puisqu’à l’époque et aujourd’hui encore seul Ferrari et Lamborghini possèdent un V12 mais monté bien-sûr uniquement dans des coupés.

Ce moteur 12 cylindres en V à 60° est sortie sur la XJ tout d’abord avec 4 carburateurs et 253 Ch, puis avec l’injection et 289 Ch au printemps 1979 et maintenant en version HE pour High Efficiency et 295 Ch, version de notre essai. Ce moteur a gardé sa cylindrée de 5343 Cm3, ses deux arbres à cames en tête (un par rangée de cylindre contrairement au 6 cylindres en ligne qui lui en a 2) et ses 24 soupapes.

La grande nouveauté vient de sa nouvelle culasse Fireball-May. En effet, la consommation du V12 n’est plus en phase avec les temps actuels et Jaguar confie à l’ingénieur et ancien pilote de Formule1 Suisse Michael May la reprise du V12. Celui-ci développe une culasse et des pistons permettant un meilleur mélange essence/air grâce à des tourbillons permettant de fonctionner avec un mélange air/essence plus pauvre et un taux de compression plus important gage d’un meilleur rendement.

Les nouvelles caractéristiques du V12 HE sont maintenant de 295 Ch à 5500 tr/min et 44 mkg à 3250 tr/min soit un gain de respectivement  6 Ch mais 250 tr/min plus tôt et 3,3 mkg, 1250 tr/min plus tôt. Le rendement de ce V12 (55,2 Ch/l et 8,23 mkg/l) surclasse celui du V8 de la Mercedes 500 SEL (46,48 Ch/l et 8.31 mkg/l) mais est très loin de celui du 6 cylindres de la BMW 745 i (78,5 Ch/l et 12,05 mkg/l) aidé il est vrai par un turbo, ses plus proches concurrentes.

Performances

Tout pour surveiller le bon fonctionnement de la belle. Notez la zone rouge à 6500 tr/min permettant de profiter au mieux du V12
Tout pour surveiller le bon fonctionnement de la belle. Notez la zone rouge à 6500 tr/min permettant de profiter au mieux du V12

Depuis le montage du V12 dans la Jaguar XJ, celle-ci est devenue la berline de série la plus rapide du monde. Ce nouveau moteur, légèrement plus puissant mais surtout plus coupleux devrait continuer sur cette lancée. Nous n’avons certes pas pu atteindre la vitesse de pointe de 240 km/h avancée par Jaguar, mais les 233,3 km/h atteints lui permettent toujours de distancer largement la Mercedes 500 SEL et la BMW 745i créditées respectivement de 221,5 km/h et 226,6 km/h.

Le 0 à 100 Km/h est atteint en 7,7 secondes et il ne lui faut que 28,1 secondes pour abattre le 1000 m départ arrêté. Des performances excellentes surtout compte tenu de son poids de 1,9 tonnes la plaçant devant la Mercedes 500 SEL (29 s au 1000 m DA) qui lui rend 200 kg mais juste derrière la BMW 745 i (27,8 s au 1000 m DA) qui lui rend plus de 300 kg.

Consommation

C’est sur ce chapitre que ce nouveau V12 HE est le plus attendu et s’il apporte effectivement un grand plus, cela reste mitigé. En effet, l’ancien V12 tournait en moyenne à 25 l/100, si le nouveau réduit bien sa consommation de plus de 20%, il reste à 19,5 l/100. Les extrêmes varient de 16,5 l/100 en conduite coulée sur nationale à plus de 26 l/100 en exploitant pleinement le V12.
On est bien loin des consommations des souabes qui sont capable d’avoir une consommation moyenne inférieure à celle mini de l’Anglaise… La capacité des deux réservoirs de 45 l permet quand même d’avoir une autonomie de plus de 450 km permettant de rejoindre Paris à Angoulême sans arrêt.

Transmission

Malgré son gabarit de prés de 5 m, elle se fond dans le paysage
Malgré son gabarit de prés de 5 m, elle se fond dans le paysage

Il n’existe pas beaucoup de transmission capable de faire passer 44 mkg aux roues motrices, encore moins en boite manuelle. Nous retrouvons donc sur la Daimler une boite automatique Général Motors GM400 à 3 rapports. La démultiplication finale de la transmission est bien en phase avec les performances de cette limousine puisqu’à 130 km/h nous sommes à 3000 tr/min.

Cette boite est parfaitement douce et répond instantanément au « kick down », sachant qu’il est de plus possible pour les routes de montagne par exemple de bloquer la boite sur le 1er ou le 2ème rapport.

Direction

La direction d’une telle limousine de prés de 2 tonnes avec des pneus larges (215/70 VR 15) est heureusement assistée. Cette assistance est très justement calibrée et permet de faire des manœuvres sans efforts tout en ressentant parfaitement la route à plus vive allure. Certes elle peut paraître trop assistée si l’on attaque mais qui aurait cette idée saugrenue avec une telle Lady.
La nouvelle politique qualité du groupe devrait permettre d’oublier les soucis des précédentes générations, comme la rouille…

Freins

Les freins eux aussi assistés remplissent très bien leur office dans des conditions normales d’utilisation. Il est clair qu’arrêter prés de 2 tonnes de 230 Km/h à 0 plusieurs fois met rapidement à mal les freins. Mais les 4 disques dont ceux AR ayant pour particularité d’être accolés au pont AR pour une meilleure efficacité, sont largement dimensionnés en utilisation normale même très rapide.

Il est vrai que si l’on considère la Daimler comme une Type E à 4 portes et que l’on veut la mener tambour battant, c’est son freinage qui rendra les armes en premier mais est ce la bonne utilisation de cette voiture ?  Il est évident que le montage particulier des disques AR complique la maintenance de ceux ci mais ce n’est surement pas ce que regarde l’acheteur de ce type de voiture.

Tenue de route

La Daimler Double-Six est lourde, mais une fois à son volant le poids ne se ressent aucunement. Il y a bien sur les 295 ch et les 44 mkg qui permettent à cette limousine de s’élancer vigoureusement mais en douceur. Il y aussi ce toucher de route qui donne l’impression de survoler la route. Pour cela Daimler n’a pas lésiné, certes les suspensions  sont un peu archaïques aujourd’hui avec les demi-arbres de transmission qui font office de bras de suspension (la même que celle des premiers modèles de 1968) mais la belle repose sur 6 amortisseurs (4 pour l’arrière) et des jantes de 15’’ quand les Allemandes s’en remette encore à des jantes de 14’’. De plus tous les éléments de suspensions reposent sur des silent-blocs pour éviter les remontées parasites.

Une ligne toujours superbe, la plus belle berline du monde ?
Une ligne toujours superbe, la plus belle berline du monde ?

Naturellement, quant on la pousse dans ses derniers retranchements sur petite route, le roulis se fait plus présent, mais la voiture reste accrochée à la route, tant que celle-ci est sèche. Sur le mouillé évidemment, passer cette puissance sur la route peut entrainer une dérobade de l’arrière, facile à remettre en ligne en relâchant légèrement l’accélérateur. Mais bien-sûr elle n’est pas faite pour cela, on ne fait pas virevolter une Lady de 2 tonnes comme une ballerine. Sur l’autoroute, son terrain de prédilection, elle reste stable et rivée à sa trajectoire et enroule les grandes courbes à des vitesses que bien des sportives peuvent lui envier…

Confort

…et tout cela dans un confort royal. Cela ne surprendra personne étant donné que cette Daimler est le nec plus ultra des limousines. Le silence est impressionnant même si quelques bruits aérodynamiques peuvent se faire entendre à vitesse très élevée. On l’a vu, la voiture repose sur de nombreux silent-blocs qui en plus de guider parfaitement la voiture l’isolent de la route, ce qui avec les fauteuils en cuir Connolly digne des plus grands clubs selects d’Angleterre vous transporte dans un autre monde.

Même le V12 que l’on entend gentiment feuler à l’accélération se met en mode confort une fois la vitesse de croisière atteinte. Il n’est pas aphone mais ronronne doucereusement pour ne pas vous ennuyer tout en vous montrant qu’il est prêt si besoin est, à délivrer toute sa cavalerie pour laisser les autres sur le bord de la route… un vrai félin quoi.

Équipements

Évidemment tout ce que l’on attend d’une limousine est présent, et plus encore dans cette version très haut de gamme. En effet si l’on trouve une climatisation, elle est ici automatique. Les sièges sont bien entendus en cuir Connolly et sont réglables électriquement en hauteur dans cette version Daimler Vanden Plas. Le volant en cuir est lui aussi réglable en profondeur mais avec une faible amplitude. La voiture est aussi équipée d’un régulateur de vitesse bien utile au vu des vitesses pouvant être atteintes et incompatibles avec notre maréchaussée… Les quatre vitres et les rétroviseurs sont électriques et sur cette version Daimler Vanden Plas accompagné par un toit ouvrant lui aussi à commande électrique. Une autre spécificité de cette version est ses fauteuils arrières séparés agrémentés de liseuses orientables. Mais ce qui donne à cette Daimler cette ambiance unique est sa planche de bord ainsi que ses contre-portes en bois précieux.

Extérieurement aussi cette Daimler Vanden Plas se distingue de ses sœurs Jaguar, tout d’abord par sa calandre cannelée rappelant une couronne puisque les Daimler sont les voitures officielles de la cour d’Angleterre mais aussi par les fines baguettes chromées sur les flancs et le capot ainsi que par ses enjoliveurs de roues intégraux chromés.

Même s’il elle reste élitiste, les Jaguar et Daimler ont toujours eu un rapport prix/équipement/performance intéressant. Cette version n’échappe pas à la règle puisque son prix de 334.900 Francs est équivalent au prix de la Mercedes 500 SEL (335.400 Francs) qui est moins bien équipée et dispose d’un moteur bien moins puissant et moins noble.

Entretien et après-vente

Il y a même une trousse à outils, mais shocking elle est badgée Jaguar !
Il y a même une trousse à outils, mais shocking elle est badgée Jaguar !

Malgré ce moteur V12 peu commun, l’entretien lui reste très classique. Vidange avec filtre à huile tous les 5.000 km pour le moteur (10.7 litres d’huile quand même) et vidange de la boite de vitesse tous les 30.000 km.

Évidemment, les changements de bougies à faire tous 20.000 km sont plus longs et plus compliqués que pour un  « simple » 6 cylindres car en plus du nombre supérieur de bougies à changer l’accessibilité est compliquée, en effet le moteur avec tous ses périphériques rentre au chausse-pied dans le compartiment moteur.

Deux échappements, deux réservoirs et sur les Daimler un toit ouvrant électrique
Deux échappements, deux réservoirs et sur les Daimler un toit ouvrant électrique

Comment ne peut-on pas tomber sous le charme de cette superbe voiture, la plus belle berline du monde pour beaucoup, dotée avec ce V12 d’un des moteurs les plus nobles qui soit.
La puissance du V12 en fait certes la berline de série la plus rapide du monde mais associée à ce confort, ce silence, ce toucher de route qui donne l’impression de survoler les imperfections, tout cela dans un écrin raffiné et luxueux en font la meilleure limousine du monde et encore on ne parle pas de la bande son de ce V12.
Pour profiter de cela il faudra certes pouvoir abreuver la belle qui malgré les progrès de son nouveau moteur consomme encore de façon conséquente mais est ce vraiment un problème pour la clientèle à qui se destine cette belle ?